La chapelle du Sacré Cœur

Présentation de la chapelle par Anne COGNY, Animatrice de l’architecture et du patrimoine du Pays d’art et d’histoire de Billom.

La chapelle du Sacré-Cœur à Contournat a été construite en 1863 en souvenir de l’évêque Benoît Flaget, pour le centenaire de sa naissance. Longtemps privée, elle fut cédée à l’association Diocésaine de Clermont en 1927.

Cet édifice a conservé toutes les caractéristiques d’un édifice religieux du XIXe siècle au niveau de son architecture, de son décor et son mobilier. Un projet de restauration de cette chapelle est lancé pour le mettre hors d’eau.

Contexte géographique et historique
Contournat est le plus gros village à l’ouest de Saint-Julien-de-Coppel. Hameau de 450- 500 habitants. Il se situe dans la plaine de la Limagne, et est limitrophe avec la Comté.
L’origine du nom de Contournat étymologiquement, proviendrait de « contour » et signifierait « vassal du comte ». Le suffixe « at » signifie souvent la présence des gallo-romains à l’antiquité. Et en effet, une villa gallo-romaine est connue en ce lieu.
Ce village est connu depuis le moyen-âge, on sait qu’il constituait un des fiefs de Saint-Julien-de-Coppel et plusieurs châteaux ont été construit ici entre le XIIIe et XVe siècles et que nous pourrons apercevoir tout à l’heure.

Mais l’objet de notre découverte d’aujourd’hui est bien éloigné de l’époque médiévale. En effet la chapelle de Contournat qui porte le vocable du Sacré cœur a été construite au XIXe siècle.

Extérieur

1 - Origine construction chapelle

Cette chapelle est liée à un homme, peu connu mais important dans l’histoire de la religion catholique, et notamment son développement aux Etats-Unis : Monseigneur Benoit Joseph Flaget. Benoit Joseph Flaget est né le 7 novembre 1763 à Contournat. S’il est important pour nous aujourd’hui c’est parce qu’il a été le 2e évêque des Etats-Unis en 1808 où il tiendra un rôle dans l’établissement de l’Eglise Catholique en Amérique où on lui donnera le nom de « Patriarche de l’ouest ». Mais nous reviendrons sur son histoire à l’intérieur de l’édifice.

C’est en exécution des volontés de son oncle Monseigneur Flaget (volonté du testament et chapelle qu’il avait souhaité dès 1844) que Benoit Joseph Flaget fit construire une petite église dans son pré voisin du château en 1863. Le village comptait alors 450 à 500 habitants.

L’ouvrage fut confié à des ouvriers du pays assez inexpérimentés dans ce genre d’édifice. Ils rencontrèrent beaucoup de difficultés à cause du terrain argileux et pentu, et du chemin creux qui passait en dessous.

La paroisse est créée en 1880 et existera jusqu’en 1930 L’église a été bénie le 13 novembre 1881 par Monsieur Astier, curé doyen de St Cerneuf de Billom, délégué par l’évêque Monseigneur Boyer.

2- Architecture extérieure chapelle

Cette chapelle construite en 1863 répond aux caractéristiques de l’architecture religieuse du 19e siècle : admiration pour la période médiévale : le roman mais surtout le gothique (avec Notre Dame de Paris de Victor Hugo qui contribue à l’appellation du style comme le style religieux). On reprend les principes de cette architecture : arc brisé, voûte sur croisée d’ogive, lancettes pour les vitraux mais comme on est postérieure la période médiévale, on va l’appeler néo-gothique. Et cet édifice présente toutes ces caractéristiques que nous allons découvrir ensemble.

La chapelle est orientée : le chevet est donc situé à l’est et est composé d’une chapelle axiale et 2 chapelles qui ont été ajoutée en 1880.

La chapelle est construite en pierre locale : de l’arkose d’Escolore pour les encadrements des portes et fenêtres et les nervures.

Restauration de 1983 après une tempête : enduit refait.

Façade occidentale :

Présence du style néo-gothique notamment avec le portail occidental : arc brisé avec une voussure en arkose. Tympan nu.
Les consoles rappellent les modillons à copeaux de l’époque romane. Éclectisme du style.
Colonnettes en arkose et chaînage harpé : pour la décoration, le rythme de la façade. On montre aussi qu’on apporte un certain soin à la façade.

Rosace au-dessus du portail
Façade surmontée d’un clocher peigne qui abrite une cloche de 250 kg. La toiture est en ardoise (ce qui tranche avec le reste du village et les toitures en tuiles rouges des maisons)

Mur sud

Le point d’intérêt de ce mur gouttereau est les modillons sculptés avec des symboles étranges, que l’on retrouve chez les francs-maçons :
Le compas, l’équerre, le globe, les étoiles, la lune et le soleil…
Cette analyse reste hypothétique et mérite d’être explorée par des spécialistes.
rancs-maçons :
La franc-maçonnerie moderne est née en Grande-Bretagne dans les premières années du XVIIIe siècle. Elle s’est très vite diffusée dans l’ensemble du monde occidental, accompagnant partout la démocratie et la tolérance religieuse.
Elle se définit comme un « Ordre initiatique », avec une notion de « sacré » qui va au-delà de la simple religiosité. Son goût du secret et ses engagements libéraux ont nourri à son encontre mythes et calomnies…
En juin 1717, quatre loges maçonniques londoniennes qui n’avaient d’autre objectif que celui de pratiquer une entraide mutuelle entre leurs membres se fondent dans une « Grande Loge de Londres ». C’est l’acte fondateur de la franc-maçonnerie moderne. Née dans un milieu protestant, la franc-maçonnerie puise dans l’Ancien Testament son enseignement moral. Considérant qu’elle a pour vocation de construire un temple idéal, elle adopte pour modèle le Temple du roi Salomon.
L’architecture sacrée joue un rôle prépondérant dans la vie maçonnique : Dieu est appelé par les francs-maçons « Le Grand Architecte de l’Univers ».
Très rapidement, la franc-maçonnerie accueille en son sein des représentants de la haute société anglaise (exclusivement des hommes) et essaime sur le Continent, à commencer par la France.

Une vocation libérale
Une première loge maçonnique voit le jour à Paris en 1725. Elle est suivie de nombreuses autres loges dans toutes les grandes villes de France, où se pressent les élites cultivées du « Siècle des Lumières ».
Les aristocrates, les bourgeois de qualité, certains membres du haut clergé et tous ceux qui se piquent de « philosophie » envahissent ces loges qui deviennent un lieu privilégié d’échanges intellectuels. Même engouement dans le reste de l’Europe. À Prague, le divin Mozart offre à la franc-maçonnerie un chef-d’œuvre, « La Flûte enchantée »

A remarquer : les lancettes néo-gothiques entourées d’un arc brisé, en arkose et harpé.

Intérieur chapelle

Description plan et nef

Chapelle composée d’un plan en croix latine relativement simple. Une nef unique et 2 travées, un transept formé grâce aux 2 chapelles et un chœur.
Les travées sont marquées par un arc doubleau formé par un arc brisé.
Nef couverte d’une voûte sur croisée d’ogive dont les nervures retombent sur des consoles où apparaissent les noms des 4 évangélistes.

Les dalles au sol sont en pierre de Volvic.

Les peintures de la nef recouvrent principalement les parties architecturales à mettre en valeur : voûtes, nervures et consoles et encadrement des baies. Elles sont caractéristiques de la peinture du 19e : elles reprennent des couleurs et motifs médiévaux. On ne connait ni la date de réalisation ni le peintre ou l’atelier qui a travaillé ici.

Chapelle Saint-Joseph

A remarquer : tête sculptée : homme et femme, étonnant.

Histoire Flaget
Nous connaissons peu de chose de son enfance : famille d’agriculteur, son père est laboureur à Contournat et meurt jeune en laissant des enfants en bas âge. Il avait 4 ans à la mort de sa mère et fut donc élevé par une tante. Son frère ainé est curé à Billom.

Benoit Joseph Flaget, grâce à son oncle paternel, chanoine à Billom, commence ses études au collège de Billom et les termine à celui de Clermont. Il rentre au grand séminaire de Montferrand en 1783 où après 2 ans de théologie il est nommé sous diacre.
Il est ordonné prêtre en 1785, il a alors 25 ans. Ses supérieurs l’envoient successivement aux séminaires de Nantes et d’Angers comme économe et professeur de théologie.

En 1791, à cause de la Révolution il revient à Contournat. Il apprend que son supérieur général envoie des prêtres aux Etats-Unis, il demande donc à partir, souhait qu’il exprimait déjà lorsqu’il était au collège de Billom.

Il arrive à Baltimore le 26 mars 1792 où résidait le seul évêque des Etats-Unis. Il est d’abord envoyé dans l’Indiana où il devient le curé de 2000 français qui habitent là. Il devient ensuite professeur. Il rencontrera le futur roi Louis-Philippe d’Orléans avec qui il se lie d’amitiés.

Grâce aux prêtres qui viennent nombreux de France, les catholiques augmentent rapidement aux États-Unis. Monseigneur Carroll, seul évêque alors, obtient du pape la création de 4 nouveaux diocèses. Au début de 1808, Benoît Joseph Flaget est alors nommé évêque pour le diocèse de Bardstown, il a alors 45 ans.

Il reçoit cette nouvelle comme un coup de foudre, une douloureuse surprise, et il met tout en œuvre pour éviter cette charge mais ne peut pas refuser. Il est sacré évêque en 1810. Le diocèse à sa charge comprenait 7 des états confédérés : Kentucky, Tenessee, Ohio, Michigan, Illinois, Missouri et Indiana. Tout est à faire et les ressources sont nulles. Il se met alors à l’œuvre.
Il est notamment à l’origine de la construction de la 1ère cathédrale de Bardstown en 1819 : Saint Joseph, mais aussi d’un grand séminaire, d’écoles, d’églises et chapelle pour susciter les vocations de prêtres et religieuses.

Diocèse transféré à Louisville en 1841.

Sa nièce, Eulalie, vient en tant que religieuse.

Il revient pour un séjour en France de 1835 à 1839 pendant lequel il rencontre le pape. Pendant ce voyage il est accueilli magnifiquement à Nantes, Angers, Paris (chez le roi Louis-Philippe d’Orléans). Mais il gardera toujours en mémoire Billom et Contournat et dira « je suis le petit Benuet de Contournat ».

Sources :

Ministère de la Culture

Les enjeux multiples de l’architecture religieuse du second XIXe siècle en France : un essai de litanies

Thème iconographique : Trône de grâce

Chapelle du Sacré Cœur, contournat - Saint-Julien de Coppel.