Les Vimal-Gaultier de Biauzat

Le 27 août 1792, en place de Grève, le couperet de la guillotine tombe. Trois fois de suite. Deux des trois suppliciés jugés coupables de fabrication de faux assignats sont originaires d’Ambert. Ils s’appellent Vimal et Sauvade.

Vimal est le beau-frère de l’un des hommes les plus connus d’Auvergne à cette époque, Jean-François Gaultier de Biauzat, avocat, ancien député à l’Assemblée Nationale Constituante et maire de Clermont, alors juge au tribunal du 4e arrondissement de Paris.
Comment un jeune homme issu d’une famille de négociants aisés, avocat lui-même, a-t-il pu finir exécuté pour escroquerie ? C’est ce que l’auteur de cet ouvrage, Laurence Froment, va reconstituer pas à pas, d’Auvergne à Paris, à travers des documents d’archives, en particulier les correspondances de Biauzat, totalement inédites pour la période antérieure à 1789.

Les personnages principaux de son livre sont Jean-Blaize Vimal, ambertois guillotiné aux côtés de Benoid Sauvade, lui-même né à Richard-de-Bas ; et Jean-François Gaultier de Biauzat et sa femme, Claudine Vimal, soeur de Jean-Blaize.
C’est pourquoi vous pouvez découvrir dans cet article une photo du moulin, le mandat d’arrestation de Vimal, la chapelle de Ronzières, à côté de Vodable, où a été baptisé Biauzat, la maison des Biauzat à Clermont et la salle du jeu de paume de Versailles où apparaît en fond le tableau de David du Serment du jeu de paume, sur lequel figure Biauzat.

Extrait p.137 Les « Doléances » de Jean-François

Au conseil judiciaire, les trois amis complètent leur expérience de défenseurs des communautés, rôle que Biauzat et Couthon tenaient déjà au sein de leurs propres cabinets. Ils constatent, jour après jour, les difficultés auxquelles se heurtent les paysans pour acquitter la charge toujours plus lourde des impôts : taille, gabelle, capitation, vingtièmes, don gratuit, chemins royaux et autres, sans compter la dîme et les inégalités entre les ordres dues au cortège de privilèges accordés aux deux premiers d’entre eux. Depuis vingt ans qu’il suit ce genre d’affaire, Jean-François a eu le temps de se faire une idée précise de la situation catastrophique dans laquelle se trouvent les plus humbles de sa province. L’Assemblé Provinciale elle-même en a pris conscience. La commission de l’impôt cherchant les moyens de remédier à cette situation, lui a présenté, dès la fin du mois de novembre 1787, un mémoire accablant, qui la pousse à adopter aussitôt la résolution « De prier M. le président de présenter au roi l’état affligeant de la province et de solliciter une diminution sur les tailles ».

La taille constituait l’impôt principal, supporté uniquement par les gens du peuple, à l’exclusion des ecclésiastiques, nobles et privilégiées. Théoriquement calculée en proportion des biens et des revenus, elle ne reposait sur aucune base fixe. Les collecteurs en fixaient le poids en fonction de ce qu’ils connaissaient de la fortune des taillables, ouvrant ainsi la porte à tous les arbitraires. « Delaire et Rolle, consuls de 1776, sont venus me trouver, racontait Jean-Blaize à son beau-frère quelques années auparavant. Ils ont demeuré demie heurs à ma détailler leur misère. Ils m’ont dit que c’était M. Laroche qui les avait induits en erreur, qu’ils s’en étaient entièrement rapportés à ce qu’il avait fait, n’ayant eux aucune connaissance pour la répartition des tailles, qu’ainsi ils nous prient de ne leur point occasionner des frais, mais qu’ils avertiraient les consuls de 1777 de nous mettre à notre taux. Je leur ai répondu qu’ils ne feraient rien à quoi ils ne fussent obligés et qu’ils ne devraient s’en prendre qu’à eux si nous leur faisions des frais ». 292 - AP du Bourgnon, lettre de Jen-Blaize Vimal de 1776, déjà citée.

Le rapport rédigé par l’Assemblée est clair, « il est notoire, non seulement à la province d’Auvergne mais à tout le royaume, que cette Généralité est chargée à un point que nulle autre ne l’égale, et que, si l’on trouve quelques moyens d’améliorer son sort, la misère qui enfante le désespoir rendra déserte une province fertile et peuplée d’habitants sobres, laborieux, fidèles ». 293 - Francisque MÈGE, L’Assemblée provinciale, Paris, 1867,p.53.

Dans son cabinet, Jean-François reçoit chaque jour les plaintes de ces auvergnats, pas toujours sobres mais réellement laborieux, ces témoignages d’injustices notoires qui le révoltent. Comme celui qu’un nommé Roval lui soumet dès 1784.
« Les employés des gabelles de notre ville viennent de rendre contre les nommés Amable et Gervais Borot et Anne Delorme, femme d’Amable, le procès-verbal le plus inique et le plus injuste qui ait paru. Ces particuliers ont été arrêtés à notre barrière, cruellement visités et leurs habits déchirés, et la femme a reçu à la cuisse plusieurs coups d’un outil qu’ils appellent soude, qui lui causent quelques douleurs. Enfin seuls faute, ces particuliers se sont trouvés n’avoir rien contre les ordres du roi, et malgré cela on veut les traduire dans notre prison où ils ont été écroués sous prétexte de rébellion. Ces gens assurent n’avoir fait aucune résistance, ils n’avaient absolument rien sur leur charrette et venaient chez moi pour arranger leurs affaires. S’il était possible d’asseoir une inscription de faux, les Borot disent qu’ils ont des témoins qui attesteront qu’ils n’ont fait aucune violence, mais cette procédure demandant une suite sérieuse, il serait peut-être plus à propos de se servir des nullités contenues au procès-verbal. Premièrement, il n’y a point de sommation aux Borot de déclarer leurs noms au moment où on les a visités, liés pour être conduits en prison. Ce n’est qu’après être arrivés en prison que ces noms ont été déclinés. Deuxièmement, on a mis en pâture le cheval attelé avec charrette sans avoir déclaré que l’on l’y amenait. Troisièmement, ce procès-verbal contient que le gardien s’en est chargé et qu’il a signé sa charge, cependant le gardien n’a aucunement signé, et sait bien écrire. Toutes ces nullités et autres que vous relèverez à coup sûr sont plus que suffisantes pour se déterminer à ce dernier parti. En conséquence, je vous pris de rédiger par écrit la requête qu’il faut présenter pour parvenir à faire déclarer le procès-verbal nul, à obtenir la relaxation des emprisonnés, la main-levée de leur cheval et charrette et de gros dommages intérêts. Je vous prie en mon particulier de vous occuper sérieusement de cette affaire parce que les Borot sont de très braves gens et qu’il est indigne de voir des coquins de cette espèce traduire sans raison d’honnêtes gens en prison ». 294. - AP du Bourgnon, lettre de Royal ( ?) du 30.11.184.

Heurs et malheurs d’une famille auvergnate. 1754-1792.


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